Aujourd’hui, ce qui relève de notre foi est de plus en plus relégué dans la sphère de l’intime et du privé. En parler publiquement, c'est prendre le risque dans certains milieux d'être taxé de faire du prosélytisme. Dans ces conditions, comment vivre la tension entre ce que nous commande Jésus dans l’évangélisation sans tomber dans le prosélytisme que rejette notre société ?
Gabriel Monet est pasteur et professeur de théologie pratique à Faculté adventiste de théologie de Collonges-sous-Salève. Dans son ouvrage paru en 2014, L’Église émergente, Être et faire Église en post-chrétienté, Préface d Élisabeth Parmentier. Postface de Jean Hassenforder, édition Broché. Il analyse de manière très intéressante et convaincante le positionnement d'Églises qui cherchent à porter et à vivre le message de l'Évangile dans notre époque.
Abordant la pensée de Leslie Newbigin, il cite quatre de ses points (p.247-248) visant à montrer la distinction qu’il y a entre évangélisation et prosélytisme. Les points qui suivent ne sont pas des vérités générales mais ils peuvent éclairer notre rapport et nos pratiques sur la question.
1. Mystère de l'évangélisation et la planification prosélyte
Quand on part dans une campagne d'évangélisation, on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre. "L'évangélisation contient une part de mystère liée à l'Esprit". Il utilise tout ce qu'on est à travers nos paroles et nos actes pour amener à la conversion. Cette manière de concevoir la liberté qu'à l'Esprit d'agir s'oppose à la planification orchestré du prosélytisme que l'auteur compare à "une campagne militaire ou une approche marketing". L'Esprit paraît second car on attend dans le prosélytisme un "résultat proportionnel à l'effort investi".
2. La vulnérabilité de l'évangélisation et la confiance prosélyte
L'attitude du groupe dans l'évangélisation reconnaît et ose parfois assumer une forme de faiblesse ou de vulnérabilité. Le groupe peut tout mais uniquement par celui qui fortifie. "A l'inverse l'attitude du groupe prosélyte se considère comme fort et confiant, s'appuyant sur sa propre sagesse pour obtenir des résultats". Il y a nécessairement une forme hardiesse dans la proclamation du message, mais celle-ci ne provient pas de ce que nous sommes. Elle est l’œuvre de l’Esprit en nous.
3. L'évangélisation accepte et le prosélytisme refuse
Cela peut paraître étrange à première vue, mais l’auteur nous dit "qu’être dans une optique d'évangélisation c'est accepter d'être changé d'une manière ou d'une autre par son contact avec le monde". Toujours d’après lui le témoignage de l'Esprit convainc le monde, mais il permet aussi à celui qui évangélise de grandir dans la connaissance de l'Évangile (Jean 16:8-13). Il appuie son propos en rappelant l’exemple intéressant de la rencontre entre Pierre et Corneille, où il est possible d’observer une croissance mutuelle (Actes 10:11).
A contrario le cadre du prosélyte ne le se situe pas dans l'optique d'être changé au contact de l’autre. Il ne s’attend pas à apprendre d'autrui. A aucun moment l’interaction avec l'autre est une opportunité de saisir l'occasion d'approfondir son propre message. Sa seule préoccupation demeure "ni plus ni moins qu'une croissance numérique".
4. La finalité du prosélytisme et de l'évangélisation
Ce qui distingue les deux approches réside comme on l’a vu dans les trois précédents points dans l’attitude. Ils se démarquent l’un et l’autre aussi par leur finalité. Le prosélytisme "est la mise en avant des résultats dans l'optique de prouver la vitalité spirituelle du groupe". Tandis que la "véritable évangélisation, puisqu'elle est l’œuvre de l'Esprit, c'est Jésus qui est glorifié". C’est tout à fait normal de se réjouir de la croissance de la communauté dans le fait d’accepter d’être les serviteurs d’un dessein qui nous dépassent. C’est l’Esprit qui ajoute celles et ceux qui sont sauvé à la gloire de Dieu.
Leslie Newbigin synthétise sa pensée concernant l'évangélisation et le prosélytisme :
"Quand je fais du prosélytisme, j'ouvre la porte pour faire entrer l'autre dans mon enclos. En revanche, quand nous faisons de l'évangélisation vraie, nous laissons la place au Saint-Esprit, reconnaissant que c'est Lui seul qui convertit, Lui seul qui nous utilise, nous et ceux devant qui nous rendons témoignage, Lui seul qui apporte quelque chose de neuf par lequel l'un et l'autre des partenaires est changé, quelque chose de neuf capable d'être le signe et l'avant-goût du règne universel du Christ".
Yorumlar